LUEURS D’ESPOIR

Le titre de ce projet que j’ai choisi après coup est le titre d’un des livres de Thierry Belliard personne accueillie sur le CAJ.

Cette histoire va sans aucun doute marquer mon année 2023, certainement ma vie d’artiste, mon parcours professionnel mais aussi personnel tant la liste des riches journées vécues ici est interminable.  Le CAJ a ouvert ses portes en 2004. Il accueille chaque jour des personnes en situation de handicap, traumatisées crâniennes ou cérébrolésées du lundi au vendredi. C’est un foyer de vie. La mission principale du CAJ est d’accompagner les personnes accueillies pour faciliter les relations, sortir de l’isolement et les guider vers l’autonomie, l’épanouissement personnel, artistique et culturel.  Leur objectif est aussi de s’ouvrir vers la cité, vers le monde extérieur. Au côté de mon amie Estelle, éducatrice spécialisée au CAJ, nous avons voulu coûte que coûte se pencher sur les choses qui nous rassemblent toutes et tous plutôt que de montrer du doigt nos différences.  C’est beau les sourires, les rires, la sincérité des faits et des gestes. C’est dur le regard des autres. Nous voulions peindre un mur en extérieur pour arriver à interpeler les gens du quartier mais n’ayant eu aucune autorisation, aucun vrai soutien ni du bailleur social, Domofrance, ni de la mairie de quartier, nous avons emprunté l’itinéraire bis.

Nous y sommes arrivé.es autrement.  Atelier d’écriture, de peinture, des temps de discussions, de lecture, de débat, des jeux, des repas, (beaucoup de repas) l’organisation d’une journée porte ouverte, des micros-trottoirs, des ateliers sur le trottoir, dans la rue, devant le CAJ… ont rythmé cette aventure.  J’ai aujourd’hui encore des centaines de scènes qui se rejouent en boucle cacher dans un coin de ma tête. Lorsque je ferme les yeux, je pense à vous, à nos moments passés ensemble. J’ai même du mal à raconter ce que l’on a vécu. J’ai cru que je travaillais ici en CDI mais il y avait bel et bien une date butoir pour un départ de Paul Peinture. Lorsqu’elle est arrivée, j’étais triste. Mais je sais qu’au fond, nous nous reverrons vite.

Les fanions fait main flottent dans le ciel. Nous avons même créé des cartes postales pour offrir aux visiteuses et visiteurs. Tout le monde s’est endimanché pour les portes ouvertes du CAJ en ce mois d’octobre où la météo s’amuse et nous surprend un jour sur deux. Elle nous fait même certaines frayeurs mais ne nous arrêtera certainement pas. Elle alterne, improvise, s’amuse, joue, slalome, divague, titube, saute à pied joint ou danse la plus belle valse du 21^ème siècle.

Depuis presque un an je viens ici de temps en temps pour y passer du temps, créer et faire plein d’ateliers. On adore être ensemble, j’adore être ici. On sourit et on s’applaudit beaucoup.  J’ai tant aimé travailler avec toutes et tous, toute l’équipe du CAJ, les professionnel.les et les personnes accueillies. J’ai tant aimé tous ces moments simples et inoubliables, toutes ces belles heures passées à vos côtés.  Les souvenirs sont soigneusement rangés dans le coin de ma tête. Je les ressortirais lorsque que j’aurais un coup de mou ou que je douterais de l’importance de mon métier. J’en écrit quelques-uns ici mais il y en a plein là-haut blotti contre nuage. J’aime repenser à vous, à nous. A vos côtés je me sens bien. À vos côtés je me sens moi, je me sens fort. Merci infiniment à toutes les personnes accueillies pour votre accueil et tout ce que vous m’avez apporté. Je n’oublierais jamais mon premier repas ici avec au menu : langue de bœuf, le sourire de Kate, les câlins de Jérôme, Rui qui me demande d’où viennent mes yeux et qui me les a donnés.  Il n’y aura pas un moment où je ne penserais pas à Guainsbert quand j’écouterais The Message de Nas. Les quatre cigarettes journalières d’Amine, son rire et ses incompréhensions, son rap le jour des portes ouvertes, les bagues en or de l’autre Amine, la chanson avant le repas servi par la fabuleuse Maguette m’accompagneront pour l’avenir, Emilie, Céline, la joie de vivre de Thierry, jamais en colère ni en contradiction. Il y a la poésie de ces livres. Ça me rassure d’être parmi vous. Il y a aussi les blagues totalement pourries d’Éric, la gentillesse de Karim, d’Arame… les sculptures de Sébastien. Il y aura toujours un peu de tout ça en moi. Dans mes futurs projets. Alors petit CAJ d’amour merci pour tout.

Quelques semaines après la fin du projet une partie de l’équipe du CAJ et moi-même, nous sommes retrouvé.es à Pessac pour passer en direct sur Radio Campus dans Café campus à midi au côté de la fabuleuse Mélissa pendant une petite heure pour parler de notre projet encore tout frais. Vous pouvez nous écouter en podcast (trouvable sur mon site dans l’onglet revue de presse).  Vraiment un immense merci à Mélissa et l’équipe de Radio Campus pour nous avoir reçu, écouté, donné la parole et offert cet espace dans la sphère publique si précieuse pour nous.  Quelques minutes avant notre passage lorsque j’ai vu arriver au loin sur le parking entre deux voitures Karim poussant Jérôme sur son fauteuil suivi à pas de loup par la merveilleuse Estelle avançant au ralenti au bras de Thierry j’étais très ému. C’était tellement chouette de se voir et se revoir comme si l’on s’était quitté la veille.  C’est aussi tellement émouvant pour moi d’entendre cette petite bande parler de nos travaux au micro, du CAJ et de toutes les actions menées, Estelle parler du travail d’éducatrice spécialisée, d’accompagnante de personnes ayant un handicap, d’entendre Thierry lire un poème qu’il a écrit, Karim et Jérôme exprimer leurs émotions et leurs sentiments.  Ce moment est une belle manière de clôturer cette histoire même si nous attendons toutes et tous la saison 2 avec impatience.